Droit de la terre en Afrique
Depuis le début des années 2000, deux questions lancinantes reviennent constamment, celle de l’accaparement des terres et celles de la survie de l’agriculture familiale, dimensions apparemment antagonistes de la question foncière, particulièrement en Afrique, continent qui apparaît encore comme un « réservoir » de terres…. Il faut aussi rappeler que selon la Banque mondiale, le marché agricole de l’Afrique subsaharienne pourrait générer 1000 milliards de dollars de recette d’ici à 2030 ! La maitrise et la gestion foncières sont donc des questions fondamentales tant pour le développement non seulement rural mais aussi urbain.
Les législations foncières du continent mais aussi la gouvernance foncière qui devrait permettre leur bonne application, semblent inappropriées, et ce, en dépit des réformes intervenues dès le début des Indépendances. Trois écueils majeurs caractérisent ces dispositifs de droit. D’abord, ils sont largement hérités des administrations coloniales, alors qu’ils étaient déjà, à l’époque, d’une application limitée car fondés sur une conception du droit centrée sur la propriété personnelle d’un terrain borné, selon les références coloniales, civilistes par exemple. Ensuite, ils ne prennent pas ou mal en compte ce qu’il est convenu d’appeler les coutumes. Enfin, les administrations en charge de l’application des textes sont la plupart du temps dans l’incapacité de le faire faute de moyens matériels et humains appropriés. Réformer les législations foncières mais aussi les appareils institutionnels qui en ont la charge apparaît donc comme une nécessité pour le développement.
Une telle réforme devrait nécessairement tenir compte du fait que la terre, comme sol, n’accueille pas seulement des activités d’exploitation agricole ou pastorale, ou d’aménagement urbain dans des villes qui s’étendent de manière accélérée. Le sol supporte aussi des ressources naturelles renouvelables essentielles, les forêts, les zones humides, mais en plus, il est « associé » à un sous-sol, lequel peut contenir des ressources naturelles non renouvelables comme les minerais ou les hydrocarbures. On comprend aussitôt les questions que ces situations peuvent soulever au regard du droit foncier (y compris domanial). Il est donc nécessaire d’étudier les règles juridiques applicables à ces diverses ressources naturelles, pour en évaluer les articulations avec le droit du sol.
L’ensemble de ces questions amène à s’interroger sur ce que peut, ce que devrait, être une politique foncière seule à même, en tenant compte de la diversité des points ci-dessus, de fixer des objectifs, de principes, en bref, d’identifier et de cadrer les éléments d’une réforme foncière qui ait sa dimension juridique cohérente, légitime.
Le contenu de l’enseignement constamment illustré par des études de textes et de cas africains, doit donc permettre tout à la fois de connaître un état des lieux aussi concret que possible, d’identifier et de discuter les concepts fondamentaux de l’approche foncière (et domaniale pour les pays de tradition civiliste), de reposer la question incontournable de la place des coutumes, mais aussi de voir quelles sont les dispositifs de droit applicables aux ressources naturelles, renouvelables ou non. Une réflexion sur ces politiques publiques spécifiques que devraient être les politiques foncières apparaît donc comme l’aboutissement nécessaire du cours-séminaire.